Beaux livres
Le Corbusier homme de lettres et de peinture
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Tim Benton
Le Corbusier, peintre à Cap-Martin
Éditions du patrimoine
17/09/2015
120 pages, 29 €
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Dossier de
Samuel Hoppe
Librairie Volume (Paris) -
❤ Lu et conseillé par
3 libraire(s)
- Isabelle Aurousseau-Couriol de de Paris (Saint-Étienne)
- Claudine Courtais
- Véronique Chassepot
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Guillemette Morel-Journel
Lettres manuscrites de Le Corbusier
Textuel
07/10/2015
224 pages, 47 €
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Dossier de
Samuel Hoppe
Librairie Volume (Paris) -
❤ Lu et conseillé par
3 libraire(s)
- Isabelle Aurousseau-Couriol de de Paris (Saint-Étienne)
- Nicolas Fargette de L'Ouvre-Boîte (PARIS)
- Mathilda Sussetto de des Canuts (Lyon)
✒ Samuel Hoppe
(Librairie Volume Paris)
Aimé ou détesté, Le Corbusier est connu de tous pour son architecture. Si ses idées sur l’urbanisme sont moins connues, à l’exception du plan Voisin pour Paris, que dire de ses ambitions de peintre qui l’ont accompagnées sa vie durant, tout comme sa passion pour les lettres. Deux livres décryptent les penchants moins connus du maître suisse.
Aujourd’hui encore, malgré le nombre impressionnant de livres publiés sur la vie, la pensée et les réalisations de l’architecte le plus célèbre du xxe siècle, le rapport à la peinture du Corbusier reste trouble. Comme souvent avec le Suisse né à La Chaux-de-Fonds, deux camps s’affrontent. Au sein du premier camp, il y a ceux qui estiment que sa peinture est sous-évaluée ; en face, on trouve ceux qui n’hésitent pas à dire que Le Corbusier peintre n’est qu’une vaste blague. Reste que Le Corbusier a beaucoup peint. Avec Amédée Ozenfant, ils ont créé le mouvement puriste, un mouvement post-cubiste représentant les objets de la vie quotidienne. L’artiste a longtemps cherché la reconnaissance de Picasso, qui n’a jamais répondu à ses sollicitations. Le débat sur la qualité de son œuvre picturale n’est pas près de s’éteindre, pas plus que celui sur son architecture. Et ce n’est pas le nuage noir de ses penchants politiques qui a assombri l’immense paysage corbuséen qui y changera quelque chose. Au contraire. On retrouve la peinture tout au long de la vie du Corbusier. En 1925, une solide controverse l’oppose à son bientôt ex-ami Amédée Ozenfant, au sujet de l’accrochage de la collection de tableaux cubistes et puristes de Raoul La Roche aux murs de la maison qu’il lui a construite à Paris. Il considérait la couleur comme un élément du processus de contrôle de la lumière et a développé un riche système polychromique que l’on retrouve sur les murs de beaucoup de ses bâtiments. Guillemette Morel Journel l’utilise pour donner de la couleur aux pages des Lettres manuscrites, livre que publie Textuel cet automne. L’architecte-peintre persiste en 1936 à Rome, il condamne la peinture figurative de grandes dimensions dans l’architecture au profit de la polychromie. Pourtant en 1938, pour remercier ses amis Eileen Gray et Jean Badovici des nombreux prêts de leur maison, il recouvre quelques murs de la villa E-1027, à Roquebrune-Cap-Martin, de fresques à tendances figuratives, ou en tout cas éloignées d’un simple travail polychromique. Dans un livre richement illustré, les éditions du Patrimoine nous font découvrir les recherches de Tim Benton sur l’étonnant changement d’avis du Corbusier quant à la peinture sur les murs. À la fin des années 1940, Bado souhaitera supprimer ces fresques dans l’idée de respecter la pensée de l’« autorité mondiale » qu’est Le Corbusier. Cela entraînera la colère du Suisse devenu Français. Guillemette Morel Journel reproduit dans son livre la cinglante réponse du Corbusier à Bado, datée du 1er janvier 1950. Des lettres, il en a écrit toute sa vie, beaucoup et à de nombreux destinataires ; à sa mère surtout, mais aussi à sa femme Yvonne, ou à son frère Albert. À Picasso, Matisse et Malraux, parmi bien d’autres. Cette spécialiste de l’architecte reproduit et commente dans son livre quelques-unes des 5 000 pièces de la correspondance privée conservée par la Fondation. À la lecture de ces morceaux choisis, on découvre un homme autoritaire et enthousiaste, qui s’ouvre à l’autre de ses inquiétudes et de ses contrariétés. Il a du style et le sens de la formule. Il est tour à tour ironique, drôle, inquiet et tendre, mais aussi peu dupe, comme le souligne Tim Benton en citant un passage d’une lettre à sa mère envoyée en 1938 : « Je suis par ailleurs persuadé que de mon vivant, on ne prendra jamais au sérieux ma peinture ». Les fresques de 1938 sont toujours sur les murs de E-1027, elles sont un élément important de la visite.