Essais

Pierre Birnbaum

Léon Blum, un portrait

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photo libraire

Chronique de François Reynaud

Librairie des Cordeliers (Romans-sur-Isère)

Léon Blum ? L’homme des congés payés ! Oui, mais pas que. Redécouvrez le dandy lettré, le dreyfusard acharné, le « Juif » qui gouvernera la France sous les insultes, et l’amoureux fou de Thérèse.

Ramassée, documentée, plaisante à lire, la biographie que Pierre Birnbaum consacre au premier homme de gauche qui gouverna la France redonne enfin un peu d’épaisseur à celui qui ne fut pas que l’inventeur des congés payés. Dandy issu de la bourgeoisie juive parisienne, sait-on par exemple que le jeune Blum, ami de Proust et de Barrès, aurait sans doute embrassé avec grand bonheur une brillante carrière littéraire sans le tremblement de terre que fut l’affaire Dreyfus ? Son verbe, il le mettra finalement au service des idées, plutôt qu’à celui des lettres, et le peaufinera d’abord dans l’ombre de Jaurès. Puis ce seront les lumières de la politique, la noble comme l’immonde. Dans une France à l’antisémitisme décomplexé, un homme de gouvernement aura-t-il jamais été plus insulté que lui ? Birnbaum décrit la droiture d’esprit inébranlable d’un homme qui ne fuira jamais ses responsabilités, même face à Pétain et sa justice raciale. Frêle allure, des lunettes rondes… soit, et pourtant, sait-on l’homme de combat qu’il fut vraiment et le réformateur acharné, tenant tête aussi bien aux pulsions révolutionnaires venues de son propre camp qu’à celles, réactionnaires, venues d’en face ? À la fin de sa vie, en se battant pour la création d’un État juif en Palestine, il en surprendra plus d’un dans son camp. Si Birnbaum aborde aussi bien l’amoureux et l’amant que fut Blum, je vous conseille vivement de vous plonger aussi dans la biographie que l’historienne Dominique Missika consacre au grand amour de sa vie, Thérèse Pereyra, l’amante du grand homme par ailleurs marié, qu’il aimera en cachette de longues années avant un mariage tardif en 1931. De santé fragile, elle décède en 1938. Ce livre, une fois de plus, rappelle avec brio que derrière chaque grand homme se cache (au moins) une grande femme.