Bande dessinée

Romain Gary

La Promesse de l’aube

illustration
photo libraire

Chronique de Damien Rodriguez

Librairie Georges (Talence)
En cette année 2014, Gallimard poursuit la célébration des centenaires de son prestigieux catalogue. Pour la plus grande jubilation des lecteurs, Romain Gary se voit donc remis à l’honneur avec cette magnifique édition illustrée de La Promesse de l’aube. Une très belle invitation de Futuropolis à (re)découvrir cet immense écrivain.

Lorsque Gallimard confie ses joyeux éditoriaux aux bons soins d’un dessinateur, le résultat est toujours des plus probants, qu’il s’agisse du somptueux Voyage au bout de la nuit revisité par Tardi (Futuropolis, 2006), ou plus récemment du splendide travail de José Muñoz sur L’Étranger d’Albert Camus (Futuropolis, 2012). Cette fois encore, l’entrelacement de l’illustration et du texte fonctionne à merveille, confirmant au passage le savoir-faire de l’éditeur Futuropolis dans ce domaine. Pour mener à bien ce nouveau projet, le choix s’est porté sur un Joann Sfar très inspiré, qui a parfaitement su saisir et sublimer de son trait inimitable les nombreux instants de grâce du récit. Son approche épouse harmonieusement la tonalité stylistique de Gary, conférant ainsi une justesse considérable à ses choix artistiques : de magnifiques portraits empreints de profondeur, qui retranscrivent l’ampleur d’un personnage ou la gravité méditative d’un passage crucial, alternent avec de simples vignettes insérées aux paragraphes où la simplicité et l’aspect faussement naïf du dessin viennent souligner la légèreté, la tendresse ou l’humour d’une scène d’enfance. Plus rarement, Sfar s’empare d’une séquence du récit qu’il développe sur plusieurs pages pour en mettre en lumière la teneur et en imprégner le lecteur. Son accompagnement du texte constitue un bel hommage à un immense écrivain.
La Promesse de l’aube s’impose à coup sûr comme la pierre angulaire du versant autobiographique de l’œuvre de Gary. Elle condense les mille facettes de l’existence d’un homme fascinant, successivement aviateur, diplomate et écrivain, une vie inscrite dans les traces des guerres mondiales (la Première le vit naître avant qu’il ne devienne acteur de la Seconde aux commandes d’un bombardier). Mais au-delà de son implication dans la grande Histoire, son récit s’offre à lire comme une somptueuse et bouleversante exploration de l’intime. Gary avoue lui-même qu’il s’ouvre au lecteur « comme un cambrioleur ouvre un coffre-fort » : il déverrouille véritablement son intériorité, il ravive de sa plume des souvenirs fondateurs, réinterroge ses choix d’homme et retrace avec pudeur et sincérité l’intensité du lien qui se forge entre lui et sa mère, en procédant tel un peintre, par petites touches, à travers des scènes d’enfance ou des paroles enracinées dans sa mémoire. L’esprit littéraire de cette authenticité réside à la fois dans cet humour et cette tendre malice dont il enrobe les anecdotes les plus marquantes de ses jeunes années (son apprentissage calamiteux du violon en constitue un savoureux exemple !), mais également cette soif d’absolu, cette quête spirituelle qui sillonne l’ensemble de son œuvre et lui confère son ampleur, sa coloration, son universalité. Romain Gary poursuivait l’insaisissable : sa vie entière fut marquée par le refus de toute forme d’asservissement ou d’aliénation, et ce désir de liberté jamais rassasié imprègne toute son écriture. En véritable créateur, il sublime le réel par ses mots, depuis un siècle, et encore pour longtemps.

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