Polar

Agatha Christie

La Plume empoisonnée

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Chronique de Bénédicte Cabane

Librairie des Danaïdes (Aix-les-Bains)

Martin Parr avait 24 ans quand Agatha Christie est décédée. Dommage ! Car il est sûr que si les deux Britanniques avaient été contemporains, la reine du crime n’aurait pas boudé les photos de son compatriote comme couvertures de ses livres. À l’image de ses romans, elles sont caustiques, décapantes tout en restant so british !

Les éditions du Masque ont entamé la réédition des romans policiers d’Agatha Christie. Au premier abord surgit la question de l’utilité d’une énième réédition des best-sellers de cette femme qui n’est plus à présenter. Le texte prime et se suffit à lui-même après tout. Pas la peine d’en rajouter. Et pourtant… Dans un format semi-poche (ni trop petit, ni trop grand) et surtout en choisissant les couvertures dans le fonds des photographies de Martin Parr, l’éditeur réussit un coup de maître. Le charme opère en effet et tous les lecteurs seront séduits, tant les néophytes que les fans inconditionnels d’Agatha Christie. Comme dans les romans de cette dernière, Martin Parr pose, dans ses photos, un regard très critique sur la société de son pays sans se départir d’une bonne dose d’humour et du charme suranné anglais. Tout y est : le thé et les scones, les motifs fleuris et les couleurs criardes, les vieilles dames honorables et les colonels à la retraite, les triangles amoureux et les couples adultères, les jardins des petits villages typiquement anglo-saxons et les bateaux de croisière sur le Nil… Ainsi, dans la première série de livres réédités en mai 2013, la couverture de Miss Marple au club du Mardi met en scène le sac à main tenue par une vieille dame tout de rose vêtue, qui n’est pas sans rappeler une certaine Elizabeth… En ce début du mois de novembre, cinq titres sont à leur tour réédités : Le Meurtre de Roger Ackroyd, Témoin indésirable, La Plume empoisonnée, La Maison biscornue et Dix Petits Nègres. Pour ceux qui ne connaîtraient pas encore ces romans, la sélection proposée cette fois par l’éditeur mettra à rude épreuve vos nerfs de lecteur avec des coupables pour le moins originaux… Mais chut ! Je ne veux pas en dire plus. Pour les autres, le suspense sera moindre, certes, mais en ayant en tête les photographies de Parr, vous serez marqué par l’ambiance spécifiquement britannique qui se dégage des romans, chose que l’on ne remarque pas forcément à la première lecture, l’esprit occupé par l’intrigue. L’œuvre de Martin Parr se présente comme une analyse sociologique de la société anglaise. Mine de rien, l’œuvre d’Agatha Christie l’est tout autant. Relier ces deux artistes par le biais d’un livre avec les écrits de l’un et les photos de l’autre met en valeur le travail de chacun. Bref, ces nouvelles éditions devraient remplacer à terme les célèbres exemplaires jaunes que l’on trouve un peu partout : dans les librairies, les bibliothèques municipales, les maisons de vacances, les sacs de voyage… Il reste à espérer que Le Masque rééditera l’intégralité des titres d’Agatha Christie sur ce même schéma.

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