Essais

Bryan Ward-Perkins 

La Chute de Rome

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photo libraire

Chronique de Olivier Renault

Librairie La Petite lumière (Paris)

Figurez-vous qu’il y a du nouveau sur la chute de Rome ! L’Histoire telle qu’elle se faisait depuis quelques décennies vacille sous un coup de bélier donné par un historien anglais né… à Rome ! Antiquité pour Antiquité, Catherine Clément, elle, revisite les dieux…

Depuis des années, le champ historique frémissait d’une sorte de bien-pensance autour de ce choc historique. Selon cette idéologie, la chute de l’Empire se serait faite en douceur, par intégration des Barbares dans l’Empire, en une sorte de transition. Comme si les guerres, les massacres, avaient été peu de choses. D’autres arguent d’une certaine mollesse et d’un déclin économique. L’ouvrage de Bryan Ward Perkins va à l’encontre de ces thèses : « l’Empire était encore très puissant à la fin du ive siècle ». Il ramène cet événement historique non plus seulement à un déclin en quelque sorte négocié, mais bien à une chute brutale, violente ; un véritable choc culturel, géopolitique, économique et scientifique, dont l’Occident (au moins lui, puisque le livre s’occupe davantage de lui que de l’Empire d’Orient), mit plusieurs siècles à s’en remettre, c’est-à-dire à revenir à un certain niveau de sophistication et de savoir-vivre. L’Empire, victime d’une « succession de désastres [qui] allaient tout bouleverser. » S’ensuivent des pages passionnantes sur la civilisation romaine, le niveau de vie élevé, le confort des diverses classes sociales, analysé à travers, notamment, l’art de la poterie et l’importance de la tuile romaine, aussi belle que résistante et pratique, qui recouvrait presque toutes les habitations, y compris les granges et simples abris. Idem pour les constructions d’habitations. Un niveau de vie que l’Europe mit des siècles à retrouver. Est-ce un hasard si la thèse de la « transformation » de l’Empire est défendue en Europe du Nord et en Amérique du Nord, surtout depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale ? Ça n’est pas un hasard si la Communauté européenne se fonde sur l’amitié franco-allemande, comme si Goths et Francs étaient les fondateurs de l’unité européenne ? Comme si l’Empire romain, méditerranéen gênait… Autre sujet, autre livre, le Dictionnaire amoureux des Dieux et des Déesses de Catherine Clément. Bien sûr, on retrouve nombre de dieux grecs et leurs transpositions romaines : Hermès-Mercure, Éros-Cupidon, Dionysos-Bacchus, Athéna-Minerve… En bonne spécialiste de l’Inde, l’auteur évoque bien sûr Krishna, Kundalini, Hanuman, Brahma… Mais aussi des dieux d’un peu partout : d’Allemagne (Wotan), du Mexique (Deux-Lapin, « sans « s » à lapin », divinité de l’ivresse), en Scandinavie (Loki, dieu du feu) et ainsi de suite. Tous ne sont pas des dieux : Ulysse, par exemple, est un homme rusé (sollers en latin) ou les pangool du Sénégal, intermédiaires entre Roog Sen et les hommes ; ou au statut trouble (Lao Tseu…) Catherine Clément aime les dieux, tous, depuis sa plus tendre enfance, pendant la guerre : « leurs prouesses amoureuses me protégeaient des bombes, et leurs métamorphoses de la déportation ». Émouvant et éloquent sur la force du mythe et de la croyance. Elle ose aussi cette thèse : « à eux tous, ces dieux ont inventé la totalité des procréations artificielles en usage aujourd’hui ». Du bon usage des dieux et déesses…