Jeunesse

Séverine Vidal

J’aime mes cauchemars

illustration
photo libraire

Chronique de Aurélia Magalhaes

Bibliothèque/Médiathèque Jean Cocteau (Massy)

Aussi irrationnelle soit-elle, la peur est un des sentiments le plus universellement partagé, que l’on soit petit ou grand. La traiter dans les livres est une manière de la surmonter. En la rendant plus ordinaire, on se prépare à l’affronter. On ressort de ce combat intime grandi et plus sûr de soi.

Parmi l’éventail des sentiments humains, la peur est l’un des plus désagréables. La bonne nouvelle, c’est qu’il existe des manières de la surmonter, en lisant des histoires qui la mettent en scène, par exemple. La peur de la nuit, et en particulier des cauchemars, est tout spécialement répandue, y compris chez les héros. Ainsi dans Le Cauchemarre de Motordu, notre prince passe une très mauvaise nuit le soir où la princesse Dézécolle s’absente. Son rêve est symbolisé par une bande dessinée où le héros ne cesse de tomber sur des créatures toutes plus effrayantes les unes que les autres : des veaux tours en passant par les poules de pétanque ou les feuilles violentes… C’est au réveil et dans les bras de sa belle que le prince se rendra compte que le cauchemar est dorénavant loin de lui. Les cauchemars, on peut aussi les dompter. L’héroïne de J’aime mes cauchemars a beau faire des rêves pas toujours très agréables, elle apprécie leur étrangeté et refuse le monde aseptisé que sa mère lui propose pour les combattre. Il y a dans le dessin d’Amélie Graux un hommage aux maximonstres et à des albums comme Il y a un cauchemar dans mon placard (Gallimard Jeunesse, 2010). Prendre conscience que la peur fait partie de la vie est le meilleur moyen de s’en faire son amie… et d’en terrasser les effets néfastes. Blanche hait la nuit. Chaque soir, c’est la même chose, pas moyen de mettre cette fillette espiègle au lit. À ses yeux, ce moment de la journée ne sert strictement à rien. Alors elle tente de le repousser le plus longtemps possible. Si ses rebuffades ne sont pas du goût des grands, ils ont au moins le mérite de lui permettre de maîtriser les terreurs accompagnant généralement la venue de la nuit. Noulouk non plus n’a peur de rien. À l’image du titre du nouveau numéro de la revue Bonbek, « Même pas peur », le héros de l’histoire n’est franchement pas timoré. Tant qu’Anouk occupe ses pensées, la Sorcière Glacée, le Morse Géant ou le Dragon Qui Souffle le Froid ne sont que rumeurs inoffensives, car ce dont rêve Noulouk, c’est de rejoindre son amie la petite fille. En plus de cette histoire qui montre que la peur s’efface parfois pour céder la place à d’autres préoccupations, la revue propose de fabriquer une araignée en chocolat et des poissons d’avril effrayants, sans oublier des jeux et des coloriages qui vont en ravir plus d’un. Léon le poltron montre que chaque peureux devrait lire des livres pour se (re)donner du courage, puisqu’on y découvre les aventures d’un cheval couard qui, à lui seul, réussit à tenir la dragée haute au plus affreux des monstres, tout en sauvant son maître. Quelle fierté pour lui de se rendre compte qu’il a pu surmonter sa peur ! Comme tous les albums évoqués ci-dessus, Salut la peur ! est un livre qui nous confronte avec notre propre vision de l’effroi. La bonne idée est de mettre en parallèle des peurs existentielles, comme celles relatives au bonheur ou à la jalousie, et d’autres plus prosaïques, celle des chiens par exemple. Surtout, Salut la peur ! offre des clés pour comprendre que la peur est un moyen d’apprendre à se connaître. De sentiment négatif, la peur, quand on l’apprivoise, se renverse, et aide à grandir et à gagner confiance en soi.

Les autres chroniques du libraire