Littérature française

Jean-Bernard Véron

Idiane

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photo libraire

Chronique de Aurélia Magalhaes

Bibliothèque/Médiathèque Jean Cocteau (Massy)

On peut se réjouir de la naissance de « Qui vive », car en plus de proposer des livres élégants, cette nouvelle collection semble avoir trouvé l’équation parfaite en publiant des romans dont l’écriture est aussi soignée que l’intrigue passionnante.

« Écrire, c’est rester sur le qui-vive ». C’est sous le patronage de J. Cayrol que se place la collection de Buchet-Chastel qui entend promouvoir une littérature singulière. À lire ces deux romans, on constate que le pari est en passe d’être gagné. Jugez plutôt.

Dans le square est un roman épistolaire. Sarah W., étudiante en lettres, est en révolte contre la terre entière. Elle écrit à Maurice R. pour lui dire l’admiration que lui a inspiré la lecture de son livre. Très vite, les deux personnages échangent sur l’écriture et la place de l’écrivain dans la société. L’artiste doit-il sacrifier son art pour être reconnu ou doit-il n’écouter que sa sensibilité ? Sarah l’exaltée refuse toute compromission, tandis que Maurice s’efforce de lui démontrer les dangers qui se nichent dans toute radicalité. Petit à petit, elle semble s’apaiser en puisant dans l’exercice de la correspondance une sorte de sérénité… puis un coup de théâtre rebat les cartes. Entre les lignes du roman, le lecteur attentif décèlera les fêlures que dissimulent Sarah et Maurice. Il s’interrogera aussi sur ce mystère : peut-on dissocier une œuvre de son auteur ?

Loin de Paris, à la frontière austro-hongroise, le narrateur d’ Idiane séjourne dans une auberge. Il aperçoit le portrait d’une jeune fille. Un mystère semble planer autour d’elle. Il interroge ses proches qui, tour à tour, retracent pour lui son parcours, celui d’une femme que la guerre a privée de son enfance et à qui les hommes ont volé son innocence. Idiane est une héroïne tragique. Qu’est-il advenu de cette femme ? L’absence de repères de temps et d’espace, et sa langue éminemment poétique donnent à ce roman un caractère universel, une sorte de Mille et une nuits d’Europe occidentale et centrale où l’on se réchauffe au vin du Rhin. Les récits enchâssés permettent d’accentuer les moments de tension. La curiosité du narrateur est la nôtre, et comme lui nous allons de découvertes en découvertes, touchés par les êtres dont il fait connaissance.

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