Essais

Cécile Pivot

Comme d’habitude

illustration

Chronique de Christelle Chandanson

Librairie Elkar (Bayonne)

Quoi de plus intelligent et de plus profitable pour contrer les préjugés que de vivre le quotidien des autistes et de leur famille. Deux récits nous font partager la vie banale de ces enfants si peu ordinaires et de leurs parents non moins extraordinaires. Une double dose de peps et d’amour pour ce début d’année.

L’autisme est un sujet de plus en plus médiatisé. Et il était temps. Car les parents de ces enfants différents ont grandement besoin que l’on parle d’eux et de leur handicap. Entre la difficulté de prise en charge et les diagnostics tardifs, ces parents n’ont pas un quotidien facile. Deux témoignages qui sortent en ce début d’année ont choisi d’en rire plutôt que d’en pleurer. Car oui, la vie avec un autiste est éreintante, mais elle peut aussi être drôle et pleine d’amour. Cécile Pivot et Laurent Savard abordent chacun à leur manière les étapes de la vie de parents d’enfant autiste. Leurs deux récits ont pour point commun de casser les préjugés que l’on attribue aux autistes. Clairvoyants mais aimants, ils nous montrent comment accepter leurs différences et nos propres limites de parents. Sous forme de petites chroniques, ils nous font partager ces instants de grâce où les enfants font des progrès formidables. Ces moments donnent de l’élan pour contrebalancer les jours difficiles et réparer les blessures du quotidien. Avant Gabin sans limites, il y a un spectacle, car Laurent Savard est avant tout un humoriste. Il aborde le sujet sur un ton légèrement naïf, mais plein d’amour et de combativité, pour accompagner son fils dans les circonstances les plus diverses et difficiles. Gabin est sans limites, une vraie boule d’énergie. Pour éviter les traitements médicaux si souvent utilisés dans les cas d’autisme, le père entraîne le fils à se dépenser dans le sport. L’ouvrage bourré d’anecdotes rend Gabin plus vivant et plus attachant que jamais. Des situations les plus absurdes et pathétiques, aux petits malheurs de la vie, Laurent Savard reste d’un optimisme tel qu’il nous apprend à ne « pas lâcher l’affaire ». Voilà qui fait du bien. Dans Comme d’habitude, Cécile Pivot se dévoile davantage. Elle y raconte sans fard ses égarements et ses engagements de mère, de femme et d’épouse, face au séisme qu’est la venue de cet enfant autiste. Cécile Pivot se révèle une mère lucide, parfois proche du burn-out, mais qui combat son dépit par la volonté tenace de voir son fils s’autonomiser. Son Antoine est plus calme, mais bouillonne dans sa tête. Il y a évidemment la question du couple et de la famille, et ce que cette épreuve leur inflige. Si Cécile cherche à rester femme pour être une bonne mère, elle vit quand même des hauts et des bas. Le père, qui refuse de regarder son fils comme un handicapé, est un soutien jusqu’au jour où il perd pied. Cette mère a écrit cet admirable témoignage introspectif comme une lettre d’amour à son fils. Peut-on traiter un sujet grave et sérieux sur un ton léger et humoristique ? Ces deux succulents récits en sont la preuve. Autant optimistes qu’amers, ils nous enseignent que ces enfants ont simplement besoin d’un entourage qui, comme la grand-mère d’Antoine, arrive à les regarder comme ils sont, sans larmoiement, ni pitié. Ouvrez votre cœur à la différence, rencontrez Gabin et Antoine, vous en sortirez plus concernés et moins maladroits.

Les autres chroniques du libraire