Littérature française

Stefan Zweig

Chefs-d’œuvre et nouvelle inédite

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photo libraire

Chronique de Mélanie Le Loupp

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« Et seul celui qui a vécu la clarté et les ténèbres, la guerre et la paix, la grandeur et la décadence a vraiment vécu. » Témoin de la beauté et de la laideur de son époque, Stefan Zweig livre des textes qui sont chaque fois l’expression de l’une ou l’autre de ces expériences humaines.

Depuis quelques années, les éditions Grasset publient régulièrement un inédit de Stefan Zweig, dont on attend chaque fois de découvrir le contenu avec une sorte d’impatience fébrile, portée par l’espoir d’éprouver ce que l’on a déjà ressenti à la lecture du précédent volume. En général, cet espoir n’est pas déçu. À quoi ce désir tient-il ? À la finesse des sentiments mis en scène par l’auteur de La Pitié dangereuse ? À la subtilité de ses analyses psychologiques saluées par Freud, son contemporain ? Ou encore à ce regard inquiet et visionnaire affligé par la montée des fascismes ? Légende d’une vie rassemble chacune de ces hypothèses. Ce qui apparaît faible et pontifiant chez la plupart des écrivains prend sous la plume du Viennois une puissance et une ampleur émotive prodigieuses. Stefan Zweig, « fêté et proscrit […] libre et asservi », comme il l’écrit dans Le Monde d’hier, est assurément l’un des auteurs importants du XXe siècle. Qui n’a été chaviré par Vingt-quatre heures de la vie d’une femme, Amok, La confusion des sentiments, Lettre d’une inconnue ? On n’oublie pas les vrais chefs-d’œuvre. Or, qui a lu ces romans issus de la riche production de Stefan Zweig ne peut en avoir occulté la force – une force qui nous renvoie à notre propre humanité, avec ce qu’elle a de meilleure et de pire – et ne peut qu’être encore habité par elle, même si sa lecture est ancienne. Légende d’une vie est une pièce de théâtre inédite, dont les personnages principaux sont asphyxiés par le fantôme d’un illustre écrivain décédé. Quelle place donner à un artiste ? Quels choix cornéliens fait-on par amour ou par passion ? C’est en tâchant de répondre à ces interrogations que les protagonistes se déchirent. L’écrivain, qui s’est essayé à tous les genres parce qu’il s’intéressait au monde qui l’entourait, excelle dans des textes courts chargés d’une intensité narrative apte à tenir en haleine le lecteur. Zweig use des aléas de la vie pour malmener ses personnages trop humains, trop imbus de leur fragilité. Il transporte dans des hauteurs passionnelles si élevées que l’on en excuse presque les pires sentiments. Stefan Zweig était humaniste, le regard qu’il porte sur son époque est imprégné de tolérance et de recul, de compréhension et d’une certaine bienveillance à l’égard des faiblesses humaines.

Sous des couvertures de style très « Belle Époque », le Livre de Poche offre de lire les textes les plus connus de Stefan Zweig à travers une sélection baptisée « Chefs-d’œuvre ».