Beaux livres

Olivier Filippi

Alternatives au gazon

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photo libraire

Chronique de Claudine Courtais

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Que ce soit de l’infiniment petit à l’infiniment grand, qu’elle se nomme faune, flore ou paysage, qu’elle soit à notre porte ou au bout du monde, la nature est partout ! Thème récurrent mais jamais éculé, elle n’a pas fini de nous fasciner et de nous surprendre, j’en veux pour preuve les livres qui paraissent ces jours-ci.

Que vous soyez fan des petites bêtes à huit pattes, qu’elles vous laissent indifférent ou qu’elles soient pour vous une source de phobies incontrôlées, ce livre est fait pour vous. Fruit d’une rencontre entre un journaliste scientifique et une enseignante-chercheuse au Muséum national d’Histoire naturelle, Arachna , publié par les éditions Belin, fait le pari de vous rendre amoureux des araignées ! Vincent Tardieu a suivi Christine Rollard lors de ses campagnes d’inventaire sur le territoire français, mettant sa plume au service de cette « femme araignée », une des rares spécialistes du sujet en France.

Chaque chapitre de ce livre est un voyage, chaque voyage est matière à raconter cet animal si détesté. Nous saurons tout sur leurs régimes alimentaires en parcourant les falaises de Normandie. C’est dans les étangs de la Brenne qu’on nous expliquera quelles sont leurs habitations et un petit voyage à la cime des arbres des forêts d’Auvergne sera prétexte à nous parler de leurs modes de déplacement. Puis, au cours d’un séjour sur les alpages du Mercantour, nous deviendrons incollables sur leur mode de reproduction et c’est dans le maquis corse que l’on comprendra que ce sont de véritables combattantes. De retour sur le pavé parisien, c’est au Muséum que nous suivrons nos deux acolytes afin de retrouver une des plus fabuleuses collections d’araignées au monde. Déroulé à la manière d’un récit de voyage, cet album superbement illustré de magnifiques photographies, bénéficie également de la participation de Marcello Pettineo, venu enrichir tous les propos par ses formidables dessins naturalistes, faisant de cet ouvrage un objet merveilleux et inclassable.

De l’araignée à la solidité de son fil si envié, il n’y a qu’un pas, tant les liens entre l’homme et la nature sont intimes. Quand la nature inspire la science est la fabuleuse histoire des inventions humaines qui imitent les plantes ou les animaux. L’auteur, Mat Fournier, nous explique comment le bio-mimétisme, c’est-à-dire l’imitation du vivant et des procédés naturels, a permis de tout temps à l’homme de créer de nouvelles technologies ou d’améliorer celles déjà existantes. L’ouvrage est construit sur plus d’une soixantaine de chapitres se composant d’une double page présentant à chaque fois, à travers l’exemple d’une plante ou d’un animal, les modèles scientifiques qu’ils ont inspirés.

L’abeille qui ouvre ces chapitres en est l’exemple parfait à plus d’un titre. Prenons simplement la ruche. Si l’énigme géométrique de l’alvéole a été posée par Pappus d’Alexandrie au ive siècle – il faudra attendre 1999 pour qu’un Américain, Thomas Hales, démontre la théorie de Pappus ! –, son design a, quant à lui, été utilisé de tout temps pour le pavage, le stockage ou la décoration. L’imitation de cette forme a même donné lieu, dans les années 1980, à de nouvelles structures dites en nids d’abeilles, remarquables pour leur légèreté et leur résistance. Plus surprenant encore est le lotus dont la feuille, à l’échelle nanométrique, est couverte de micro bosses empêchant l’eau de s’y déposer. Les gouttes d’eau roulent à sa surface, entraînant avec elles les poussières et faisant de cette plante, sacrée en Inde, un modèle de propreté aujourd’hui adapté à des peintures ou revêtements pour bâtiments. Je vous invite à vous précipiter sur ce livre fabuleusement riche afin de tout savoir des liens entre l’ormeau et le gilet pare-balles, le pin sylvestre et « les vêtements intelligents », le nénuphar victoria et le Crystal Palace de Joseph Paxton, le squelette humain et la tour Eiffel et bien d’autres relations improbables passées ou en devenir.

 

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Denis Palanque/Arachna © 2011 Belin/MNHN

 

Aussi vaste que soit le terme de nature, elle commence assurément à notre porte, dans le plus petit carré d’herbe qui soit. Après avoir publié en 2007 Pour un jardin sans arrosage, Olivier Filippi nous expose aujourd’hui ses Alternatives au gazon. Utilisé à tout-va, aussi bien par les particuliers que par les collectivités, le gazon est coûteux en eau et en entretien pour un résultat uniforme sans grande originalité. Olivier Filippi nous explique en trois grands chapitres comment changer notre fusil d’épaule et ouvrir nos jardins à la diversité botanique grâce à 200 plantes couvre-sol, qui en plus de nous faire faire un geste écologique, nous éviteront de sortir notre tondeuse et de déranger notre voisin pendant sa sieste. Si cet ouvrage s’adresse avant tout aux jardiniers des climats secs, il reste une mine de renseignements sur la flore et peut aider tout un chacun dans la gestion de l’eau et l’entretien de son jardin.

Quand les travaux champêtres seront terminés et qu’il sera l’heure de rentrer, vous pourrez prendre le temps de vous poser pour compulser ce merveilleux petit livre qu’est Les Miscellanées du jardin. Guillaume Pellerin et Cléophée de Turckheim ont glané et compilé toutes sortes d’informations concernant le jardinier et son jardin. Tour à tour historiques, pratiques, instructifs, ludiques, ces petits paragraphes sont à picorer sans modération. Et comme un bonheur n’arrive jamais seul, sachez que ces textes sont accompagnés d’une riche illustration faite de gravures anciennes, de vieilles publicités jardinières ou d’extraits d’anciens traités agricoles tous plus intéressants les uns que les autres.

Pour clore mon propos, je vous invite à la découverte de deux ouvrages qui ont pour point commun de nous donner à voir la nature comme nous ne prenons pas le temps de la regarder. C’est tout d’abord Cédric Pollet, déjà auteur d’un livre sur les écorces, qui nous revient avec le même sujet, mais en choisissant un point de vue totalement artistique. Dans Ecorces, galerie d’art à ciel ouvert il nous propose une suite de gros plans photographiques sur les troncs d’arbres comme autant de tableaux dignes des plus grands peintres abstraits. Couleurs, graphismes, matières, rien n’échappe à l’œil du photographe botaniste pour notre plus grand plaisir.

Enfin c’est également un travail photographique que l’on découvre dans Natura, celui du groupe espagnol Portfolio Natural. Fondé en 2004, ce groupe se compose de vingt-cinq des meilleurs photographes de nature en Espagne. Cette union leur permet de proposer un travail de qualité et une visibilité plus importante. Dans cet album publié par les éditions Altus, les photographies sont regroupées par thèmes, certains classiques dans la photographie de nature, eau, végétal, horizons, neige et glace, sauvage, lumière, texture, géométrie, phénomènes, d’autres plus personnels et créatifs comme mouvement, abstraction, création ou peinture. En refermant les pages de ce splendide ouvrage, on ne peut que remercier ces photographes de talent de savoir interpréter avec leur regard et leur sensibilité toute la beauté et la fragilité de notre planète.